Les impacts de la loi PACTE

Les impacts de la loi PACTE

Adoptée en avril 2019, la Loi PACTE est une réforme ambitieuse, ce qui rend d’ailleurs sa lecture difficile. Les principaux apports de la Loi concernent la création des entreprises, l’innovation technologique et les rapports sociaux. Le partage de la valeur est aussi au cœur de la loi, ainsi que l’orientation de l’épargne salariale en faveur du financement des entreprises. Explication de texte avec Angélique Morin, juriste en droit social à Comptafrance.

La révision des seuils d’effectif

C’est l’une des mesures phare du Gouvernement, attendue pour les simplifications qu’elle apporterait en faveur de la gestion des entreprises.

« Le principal apport en la matière, est la diminution de certains seuils d’effectifs et la limitation de l’impact de leur franchissement pour les aspects sociaux », explique Angélique Morin. Trois points essentiels et complémentaires sont à retenir :

  • La diminution du nombre de seuils :

Où l’on parlait de 10, 20, 25, 50, 100 salariés, on ne retient désormais plus que trois seuils à 11, 50 et 250 salariés. L’application de certaines règles sociales et fiscales qui s’appliquaient souvent à des seuils différents, est désormais réorganisée.

  • Un mécanisme « d’atténuation » des effets de seuil :

Ces nouvelles règles de gestion ne s’appliqueront que lorsque l’entreprise aura dépassé le seuil pendant cinq ans. Toute la différence est là : l’entreprise a ainsi le temps de s’installer dans son nouveau statut, sa nouvelle taille, ses nouvelles ambitions.

Toutefois, ce nouveau dispositif de limitation des effets de seuil ne s’applique pas :

    • si, au 1er janvier 2020, l’effectif d’une entreprise est égal ou supérieur à un seuil et qu’en 2019 cette entreprise était déjà soumise aux obligations attachées à ce seuil ;
    • si, au 1er janvier 2020, l’entreprise est bénéficiaire d’un des anciens dispositifs de lissage ou de gel des effets de seuils applicables par exemple pour le versement transport, l’emploi des travailleurs handicapés, participation à l’effort construction…
  • Un nouveau mode de calcul de l’effectif :

Il existait auparavant un mode de calcul en terme de droit du travail, un autre en matière de Sécurité Sociale, avec des conditions d’application variables pour chaque cotisation. « C’était dense, complexe et source d’erreurs. Au point que les chefs d’entreprises hésitaient à franchir les seuils, notamment celui des 20 ou des 50 salariés ; c’était donc un frein à l’emploi », observe Angélique Morin.

Désormais le mode de calcul est harmonisé en privilégiant le décompte prévu par le code de la sécurité sociale. Ainsi, il est tenu compte de la moyenne des effectifs employés au cours de chaque mois de l’année N-1. A noter toutefois que le calcul de l’effectif selon les règles du code du travail reste applicable pour l’obligation de mise en place d’un règlement intérieur ou pour les règles liées à la représentation du personnel.

Quelques exemples

Prenons l’exemple du seuil de 10 salariés, passé à 11 salariés. La différence ne tient pas à un seul salarié de plus ou de moins. C’est l’ensemble des règles qui s’appliquaient à l’un et à l’autre des deux seuils qui est désormais lissé sur un seuil unique :

La règlementation avait déjà évolué depuis 2016 pour fixer à partir de 11 salariés les nouvelles cotisations telles que le versement transport, le forfait social de 8% sur la prévoyance. Un décret est attendu pour la transmission de l’attestation Pôle emploi dématérialisée à partir de 11 salariés (jusque là 10 salariés).

Important : le seuil de 11 salariés pendant 12 mois consécutifs reste toujours la référence pour l’obligation de mise en place de l’élection du Comité Social Economique CSE (ex délégués du personnel).

Le seuil de 20 salariés ne disparait pas totalement et reste maintenu pour les heures supplémentaires (le bénéfice de la déduction patronale de cotisations et le repos compensateur de remplacement de 100% sur les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent).

Quant à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, elle demeure aussi à compter du seuil de plus de 20 salariés.

En revanche, le seuil passe de 20 à 50 pour deux cotisations importantes : le fonds national d’action logement -FNAL- (de 0,10% à 0,50% de la masse salariale) ; et la participation à « l’effort construction » (à 0,45%).

La rédaction d’un règlement intérieur, qui était autrefois obligatoire pour les entreprises de 20 salariés et plus, est elle aussi repoussée à 50. « Cela étant, précise Angélique Morin, il n’est pas de bon augure d’attendre trop longtemps pour le faire. Il était déjà souvent judicieux de rédiger le règlement intérieur bien avant d’atteindre les 20 salariés pour fixer les règles de fonctionnement de l’entreprise, en terme d’horaires de travail, d’hygiène et de sécurité, de discipline… ».

On voit clairement au travers de ces quelques exemples, que le coût du travail sera moindre pour les entreprises jusqu’à 50 salariés à partir du 1er janvier 2020.

Epargne tout au long de la vie

Pour l’épargne salariale, la nouveauté tient notamment à la suppression du forfait social de 20% sur l’intéressement et l’abondement, qui était jusque-là à la charge de l’employeur, pour les entreprises de moins de 250 salariés. Cette mesure est d’une importance majeure, au point qu’elle a été anticipée et mise en application par la loi de finance de décembre dernier.

Les entreprises, même les TPE et PME, sont incitées à conclure de tels accords d’intéressement, et ainsi faire participer les salariés à leur croissance. Pour favoriser cet accès, la Loi PACTE fixe à nouveau une obligation aux branches professionnelles de négocier pour établir des modèles types d’accord sur l’épargne salariale directement applicables par les employeurs.

En matière d’épargne retraite, l’objectif est de simplifier les dispositifs PERP, Madelin, PERCO et de les rendre « portables ». C’est-à-dire qu’un salarié peut garder son plan ouvert tout au long d’une carrière, donc au sein de sa nouvelle entreprise, y compris si cette dernière n’a pas de dispositif prévu en ce sens, et ainsi continuer d’y placer de l’argent. De plus, le salarié bénéficiera d’une déduction, plafonnée sur son revenu imposable, à hauteur des sommes placées. Une façon d’inciter les salariés à épargne pour leurs vieux jours.

La protection comme une évidence

Le conjoint salarié est fréquent dans les TPE et PME. « Depuis longtemps déjà on incite, les artisans notamment, à faire en sorte que leur conjoint ait un statut protecteur, soit de conjoint collaborateur, associé ou de salarié », explique Angélique Morin. Désormais, à défaut de déclaration volontaire, le conjoint est réputé être salarié, le statut le plus protecteur.

Autre forme de protection, celle du chef d’entreprise lui-même. L’entrepreneur individuel est incité à prendre le statut d’EIRL (Entreprise individuelle à responsabilité limitée), l’idée étant de protéger son patrimoine puisque sa responsabilité n’est alors plus engagée qu’à hauteur des apports qu’il aura faits. De même l’affectation du patrimoine professionnel est simplifiée, et certaines sanctions sont annulées en cas de cessation de paiement. L’idée est clairement de sécuriser les dirigeants d’entreprise en difficulté voire en cessation de paiement.

En résumé, les plus audacieux sont incités à créer leur entreprise en limitant le risque.

Investissez intelligent

  • Le Gouvernement veut pousser les investissements dans les territoires en difficulté. Pour cela, la Loi PACTE prévoit de nouvelles exonérations d’impôts sur les bénéfices, dès lors que l’entreprise est installée dans une ZFU ou ZRR (Zone franche urbaine et zone de revitalisation urbaine). Pour ces entreprises, le mécanisme de décompte des effectifs est aussi unifié et donc simplifié.
  • Pour créer plus vite et plus simplement, le réseau des centres de formalités des entreprises (CFE) sera remplacé, au plus tard le 1er janvier 2021, par un guichet électronique unique. La plupart des registres existants seront remplacés par un registre général dématérialisé.
  • La loi déploie des moyens nouveaux pour lutter contre les pratiques anti-concurrentielles, et des mesures interviennent pour favoriser l’innovation et le dépôt de brevets.
  • Enfin le législateur a voulu repenser l’entreprise dans son approche environnementale et sociétale. Pour que la RSE ne soit pas réservée aux plus grandes, mais soit accessible à toutes les entreprises, ces dernières, quelle qu’en soit la taille, peuvent inscrire leurs ambitions sociales et environnementales dans leurs statuts.

En conclusion

Difficile de passer en revue l’ensemble des champs d’action de la Loi PACTE. Mais la volonté du législateur est clairement de simplifier la vie et donc la croissance de l’entreprise. Toutes les étapes ont été passées à la loupe, et il y a fort à parier que votre entreprise soit directement libérée de certains carcans.

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