Le Bail commercial

Le Bail commercial

Il y a deux-cents ans, on parlait de « Contrat de louage », aujourd’hui de « bail commercial ». C’est un contrat entre deux parties, le propriétaire des murs, et le locataire. Ce dernier y exerce une activité de commerçant et devient donc propriétaire du « fonds de commerce ».

« Le contrat qu’ils signent est caractérisé par une grande liberté contractuelle, explique Denis Barbery, spécialiste de la question. Il doit être rédigé sur mesure pour s’adapter à la configuration des locaux, aux volontés des parties, à la destination des lieux, aux dispositions sur les charges, travaux, normes actuelles et futures ».

L’objectif est d’obtenir une relation équilibrée entre un bailleur et un locataire.

« Ce qui est important, c’est le mot contrat », insiste Denis Barbery. Il doit être lu et relu, et si besoin expliqué. Ce n’est pas un simple papier signé chez le notaire. C’est le document qui fixe les obligations, et devoirs de chacun.

On peut certes partir d’un bail type, éventuellement téléchargé sur Internet, mais il sera rarement à jour des dernières dispositions, et sans doute jamais adapté à la configuration des lieux, aux servitudes et à l’usage qui en sera fait.

A titre d’exemple, l’autorisation de bar ou de café ne veut pas dire que l’on peut y faire de la restauration. De même qu’il n’est pas forcément autorisé de vendre des chaussures avec un bail dont la destination est magasin de prêt-à-porter. Il est donc important de préciser la volonté des parties, au paragraphe « destination » qui définit les activités autorisées au bail.

A défaut, les clauses de résiliation judiciaire du bail peuvent s’appliquer.

Du point de vue juridique, on fait encore référence au code civil dont certains articles ont étés rédigés en 1804. Par exemple, l’article 606 qui liste les gros travaux à la charge du bailleur. Le statut des baux commerciaux relève, lui, des articles L145 et suivants du code du commerce. Mais qui dit encadré par la loi, n’interdit pas une grande liberté contractuelle. Prenons l’exemple d’un local sur les Champs Élysées ou sur le port de La Rochelle, le propriétaire obtiendra à peu près ce qu’il veut, tant la demande de locaux commerciaux est forte. En province en revanche, le marché n’est pas le même, le rapport non plus, le locataire est aidé pour négocier les conditions par une conjoncture souvent plus à son avantage.

Fixation et indexation des loyers

Il n’y a pas d’autre règle que celle du marché dans le cadre de la création d’un bail. Il en va autrement du renouvellement qui lui, est encadré. Lors de la signature d’un bail, il est prévu une clause d’indexation qui fera varier le loyer à la hausse ou à la baisse en fonction d’un indice du cout de la construction, remplacé depuis 2014 par l’ILC, l’Indice des loyers commerciaux, en fonction de la périodicité décidée à la création du bail.

Lors du renouvellement, pour 9 ans, le bailleur a parfois tendance à vouloir « déplafonner », c’est-à-dire augmenter drastiquement le loyer, sans s’assurer que les conditions d’une modification de la valeur locative soient remplies au regard des critères définis dans l’article L 145-33, ce qui n’est pas du gout du locataire qui se trouve pris en otage. Heureusement, le professionnel est protégé par le bail commercial, c’est le but. La Loi Pinel précise « qu’en cas de déplafonnement du montant des loyers lors du renouvellement, la variation qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures pour une année à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».

Enfin, si le propriétaire voulait le congédier, pour quelque raison que ce soit, il devra lui verser une « indemnité d’éviction » qui correspondrait à la valeur du fonds. Valeur qui tient compte de la qualité de la clientèle, de la valeur de l’emplacement, du matériel, du bilan et du chiffre d’affaires des dernières années comptables. Ce cas est rare, et finit généralement devant les tribunaux avec des rapports d’experts.

Bail commercial ou professionnel ?

Le bail professionnel est conclu pour une durée minimum de 6 ans mais le droit au renouvellement n’est pas acquis. Le locataire peut résilier à tout moment moyennant un préavis de 6 mois.

Immeuble en ville, boutique, bâtiment industriel, tous les cas de figure sont possibles.

Mais plus que le local, c’est l’activité qui définit souvent le bail. « En général les activités commerciales et artisanales font l’objet d’un bail commercial, tandis que les activités libérales se verront proposer un bail professionnel ». 

Le propriétaire d’un local a tout intérêt à privilégier le bail commercial. Il s’assure ainsi que son locataire sera présent et/ou paiera le loyer pour au moins trois ans.

Durée du bail commercial

Un bail commercial est toujours signé pour un minimum de neuf ans. Mais on parle de bail « 3-6-9 », car le locataire a la possibilité de résilier ce bail, en respectant un préavis de six mois avant l’échéance d’une période triennale. « C’est aussi une façon de protéger celui qui exerce une activité professionnelle, qui ainsi, ne se verra pas mis dehors à l’issue d’une période trop courte ». Mieux, le droit à renouvellement est acquis dès la première signature. Autrement dit, le locataire peut demander le renouvellement de son bail au bout de neuf ans.

Il est toutefois possible de signer un bail plus court, par exemple pour tester une activité professionnelle. On parle de bail « précaire » qui est en réalité un « bail dérogatoire aux statuts des baux commerciaux ». Le total des périodes successives ne doit alors pas dépasser les 3 ans. Sinon, la location est requalifiée en bail commercial.

« Attention, précise Denis Barbery, dans tous les cas, si le locataire résilie le contrat, il rend les clefs au bailleur et perd la propriété du fonds de commerce sauf à se déplacer à côté ».

S’agissant du renouvellement, il ne se fait pas de manière automatique. Il n’existe qu’une « tacite prolongation » et non une « tacite reconduction ». « Le sens n’est pas le même, avertit Denis Barbery. La prolongation ne parle pas de contrat. Seul le maintien dans les lieux est acquis  ». Par exemple, au bout de 12 ans, le propriétaire peut envisager une augmentation de loyer. Il faut donc solliciter au terme des neuf ans, une demande de renouvellement, seule façon d’éviter l’incertitude. Préférez pour cela, l’acte d’huissier même si le courrier recommandé est autorisé. Le propriétaire dispose alors de trois mois pour accepter ou refuser le principe du renouvellement. Il est considéré que le silence du propriétaire vaut pour accord, « mais il n’y a toujours pas de papier signé », persiste Denis Barbery !

C’est donc le moment de passer à la rédaction de l’acte de renouvellement qui fixera les « règles du jeu » pour les 9 prochaines années.

Propriétés, fonds de commerce et murs

  • Le locataire est propriétaire du fonds de commerce. Il peut donc le vendre en cours de contrat, sans que le propriétaire n’ait à y redire. Mais le repreneur devra respecter à la lettre les clauses du bail, à commencer par la « destination ». Une restauration traditionnelle sur place par exemple, n’autorise pas forcément une restauration rapide à emporter. Quant au versement des loyers, si le repreneur ne s’en acquitte pas, le propriétaire des murs fera jouer la « garantie du cédant » et se retournera vers le locataire précédent. La loi Pinel de juin 2014, en a toutefois amorti la disposition, limitant la durée du recours à trois ans maximum.
  • Quant aux murs, si le propriétaire veut les vendre, il est tenu d’en avertir son locataire. Ce dernier a alors un droit de préemption. C’est le « droit de préférence pour l’acquisition du local en cas de vente ».

Travaux et normes, Qui paye quoi ?

Les baux commerciaux étaient rarement sujet à litige, mais la société évolue. Formation, jurisprudence et internet,… informent et protègent les locataires de mieux en mieux. La complexité s’invite donc et les recours au tribunal avec. Les articles 606 et 1754 du code civil définissent dans des termes de l’époque, les obligations de chacune des parties en matière de travaux et d’entretien. Ainsi, en 1804, et jusqu’au 18 juin 2014, les grosses réparations telles que « les voutes, les gros murs, les poutres et les couvertures entières » pouvaient être mises à la charge du locataire. Dans la réalité du 21ème siècle, les choses sont tout autre, la jurisprudence et le législateur sont passés par là. On tient compte désormais d’une répartition des travaux plus équilibrée.

Quoi qu’il en soit, et pour simplifier les choses, un état des lieux est obligatoire lors de la conclusion d’un bail. Si les deux parties ne s’entendent pas, c’est la partie la plus diligente qui mandate un huissier, à frais partagés.

Obligation de délivrance

On la trouve dans les articles 1719 et 1720 du code civil. Sans être obligatoires puisque n’étant pas d’ordre public, ces articles sont pourtant essentiels. En résumé, « le bailleur est tenu d’entretenir le local pour servir à l’usage pour lequel il a été loué ». Mais parfois le rédacteur du bail ajoute que « par dérogation à ces articles, le locataire devra réaliser les travaux liés à l’exercice de son activité ». Attention donc à la signature du bail. Faites-la chez quelqu’un de neutre qui sera garant de l’équité. Sachez vous faire assister pour être bien représenté. Voyez aussi bien sûr votre expert-comptable.

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