La loi SOILIHI

La loi SOILIHI

Le 19 juillet 2019, le Sénat adoptait la Loi SOILIHI, pour la simplification, la clarification et l’actualisation du droit des sociétés. Le dirigeant ne verra pas de changement majeur dans la vie quotidienne de son entreprise, et les salariés moins encore. Mais c’est dans l’organisation de l’entreprise à long terme, et lors d’événements occasionnels voire exceptionnels mais importants comme la vente, la transmission, la fusion ou la recapitalisation, que se verront les effets de cette loi.

Explications de quelques points majeurs avec Lucie Grolleau, juriste en droit des sociétés.

Loi de simplification en matière de droit des affaires et droit des sociétés.

Prenons le cas de la prorogation de la durée de vie d’une entreprise (souvent 99 ans, mais parfois moins). Elle est obligatoire lorsque l’entreprise arrive à son terme, mais elle est souvent oubliée, ce qui crée une insécurité juridique pour bon nombre d’entre elles. La loi SOILIHI donne un délai supplémentaire pour confirmer la poursuite de l’activité au tribunal. Cela n’arrive qu’une fois dans la vie de l’entreprise, mais c’est fondamental pour la poursuite de l’activité et parfois la sauvegarde de l’emploi.

Cette loi était-elle indispensable ?

Sans doute pas indispensable, mais souhaitable certainement. C’est une véritable simplification. La loi apporte des modifications au code du commerce sur des sujets qui étaient déjà jugés par les tribunaux de commerce. La loi ne fait donc qu’édicter des règles discutées depuis longtemps dans la réalité des entreprises. Elle confirme certaines règles, usages et jurisprudences.

Prenons l’exemple de la location-gérance. Un propriétaire ne pouvait mettre son local en location-gérance qu’après l’avoir lui-même exploité durant deux années. Ce point de droit, très souvent sujet à dérogation, est retiré du code du commerce. Voilà une règle qui simplifie le droit des sociétés alors qu’en pratique, elle s’appliquait depuis des années.

Augmentation de capital dans les SAS ou sociétés par actions

Tous les trois ans, la loi imposait que soit posée la question en assemblée générale, de l’ouverture du capital aux salariés ou de leur participation à l’augmentation du capital. La réponse était invariablement « non ». Devant cette récurrence, la Loi SOILIHI supprime cette obligation de questionnement.

La dématérialisation des assemblées générales

C’est dans l’air du temps et des avancées technologiques. Depuis quelques années déjà, la signature électronique est reconnue et la digitalisation des documents est chose courante. Les sociétés, comme les greffes d’ailleurs, devaient donc se mettre à l’heure.

La Loi prévoit la dématérialisation des formalités de publicité des cessions de parts de SCI.

Une loi précédente prévoyait déjà que les AG puissent se tenir par visioconférence. Il faut toutefois mettre ces statuts à jour pour qu’ils le prévoient.

La loi va parfois dans le détail, jusqu’aux fusions acquisitions

Les sociétés civiles et commerciales ont en commun le droit des contrats : statuts, consentements, capacité juridique. Mais elles sont différentes en ce qu’elles ne donnent pas la même responsabilité aux associés. Elle est indéfinie et solidaire pour les sociétés civiles (leurs biens propres sont engagés), elle est limitée au montant des apports dans le cadre d’une société commerciale (les associés sont mieux protégés). La loi SOILIHI s’est intéressée au cas particulier des fusions, mettant le régime des sociétés civiles et commerciales sur un pied d’égalité.

Le droit de vote des nu propriétaires et des usufruitiers

Dans toutes les sociétés, le capital est réparti en parts sociales, détenues par les propriétaires appelés associés. Il arrive, et c’est souvent le cas dans les sociétés civiles, que ces parts soient démembrées, notamment en famille lors de transmission, entre nu propriétaires (les enfants) et usufruitiers (les parents). Se posait alors la question de l’appartenance du droit de vote. Auparavant, ce droit appartenait au nu propriétaire. L’usufruitier ne pouvait voter que sur les sujets l’intéressant, c’est-à-dire le versement des bénéfices. Il était toutefois possible de déroger à cette règle. La règle est maintenue, mais en précisant que ce droit de vote peut aussi être l’exclusive de l’usufruitier. Cela précise donc une jurisprudence mais évite bien des litiges.

Les mandataires sous tutelle

Ce point est une protection importante pour que la société perdure. L’organisation d’une assemblée générale pour remplacer le gérant n’était possible qu’en cas de décès de ce dernier. Rien n’était prévu en cas de mise sous tutelle du dirigeant, ce qui laissait place à l’insécurité juridique. Des salariés sans dirigeant n’avaient aucun recours sauf à passer par la justice, procédure souvent très longue. Ce n’est désormais plus le cas, puisqu’un associé ou un commissaire aux comptes peut convoquer une assemblée extraordinaire pour remplacer le gérant mis sous tutelle. Cela pourra sans doute sauver certaines structures.

Les sociétés mères et filiales

Il n’est pas rare qu’une société mère garantisse des emprunts de sa filiale. Or il n’est pas rare non plus que ces opérations soient sensibles d’un point de vue juridique et fiscal. La loi SOILIHI apporte le cadre juridique qui manquait à ce point, en particulier des conditions d’octroi des garanties.

Les votes blancs en assemblée générale

On pourrait penser que ces votes sont comptés comme tel : ni pour ni contre. Or il n’en n’était rien. Les votes blancs étaient comptabilisés comme votes d’opposition. La loi revient sur cette habitude, ce qui pourrait changer la face d’une assemblée générale,  d’autant plus que les assemblées se tiennent principalement en cas de litige entre associés. Précisons que les votes « nuls » sont toujours comptabilisés comme « contre », exprimant la désapprobation.

Les mentions obligatoires de la cession de fonds de commerce

Il existe toutefois certains articles plus discutables. C’est le cas par exemple de la cession de fonds de commerce.

Il fallait autrefois indiquer certaines mentions obligatoires dans les actes, pour informer l’acquéreur. Cela permettait de préciser toutes les données physiques et économiques du bien qu’il achetait. Or souvent les rédacteurs n’arrivaient pas à obtenir dans les délais toutes ces informations à porter au contrat, ce qui rendait les ventes parfois interminables voire caduques. Une simplification était donc souhaitable et la loi SOILIHI a retiré ces mentions obligatoires.

Mais si le risque de faire annuler une vente diminue, cette disposition fragilise l’acte d’achat. L’acquéreur n’aura en effet pas connaissance de tous les détails de l’entreprise qu’il achète. Cela ne va donc pas dans le sens de la protection de la partie faible, même si l’obligation d’information pré-contractuelle demeure.

Le conseil du juriste

Les statuts sont le point d’ancrage de la société, ils conditionnent son fonctionnement, pas au quotidien, mais entre associés et entre membres d’une famille détenteurs de parts. Les statuts mal rédigés sont source de mésententes voire de conflits juridiques et de litiges. Il est essentiel que dès la constitution, la rédaction des statuts soit encadrée par des conseillers juridiques, experts comptables, notaires ou avocats. Plus tard, aux étapes clefs : vente du fonds de commerce, changement de dirigeant, augmentation de capital ou cession de parts, le chef d’entreprise doit être bien accompagné.

Imprimez cette actualité

Print Friendly, PDF & Email

Partagez cette actualité :

Nous contacter

 Nous restons à votre disposition
pour toutes demandes complémentaires