Rupture conventionnelle, bien mesurer l’opportunité et les contraintes de ce mode de rupture

Rupture conventionnelle, bien mesurer l’opportunité et les contraintes de ce mode de rupture

La rupture conventionnelle a dix ans. C’est la loi pour la « modernisation du marché du travail » en 2008 qui l’avait instaurée pour s’adapter au nouveau contexte de l’entreprise : sécuriser la rupture du contrat de travail en réduisant les contentieux et simplifier le processus de rupture quand les deux parties sont d’accord. Le succès a très vite été au rendez-vous, plus de 36.000 ruptures de ce type sont actuellement signées chaque mois !

L’objet de la loi est de sécuriser d’un commun accord la rupture du contrat de travail afin de limiter les contentieux prudhommaux et faire en sorte que les termes de la séparation soient acceptables par les deux parties. Pour faire simple, le salarié quitte l’entreprise en accord avec son employeur -pour un autre projet professionnel ou pour suivre une formation par exemple- et bénéficie du droit à des indemnités de Pôle Emploi, ce que la démission ne lui donnerait pas.

Mais comme tout bon procédé, la rupture conventionnelle connait des exagérations. Il n’est pas rare en effet que le salarié, démotivé et sans autre projet que de quitter son emploi, tente cette approche. Il appartient alors à l’employeur d’estimer si cette rupture est opportune, rentre dans la politique de l’entreprise, et d’en mesurer les incidences notamment en cas d’éventuel refus.

Il va de soi que cette séparation a un coût, nous allons y revenir. Autrement dit, sauf à avoir l’intention de se séparer du salarié en question, il faut en estimer l’impact financier.

« Plus encore, ajoute Angélique Morin, ne sous-estimez pas le risque d’ouvrir la boite de Pandore. Car les nouvelles vont vite, et nul doute qu’il se dira que l’entreprise négocie des ruptures conventionnelles ».

Tout n’est pas permis

Seul le CDI est concerné ; les autres contrats sont exclus.

La demande peut émaner de l’une ou de l’autre des parties. Le salarié peut solliciter la rupture pour engager un autre projet de vie ; l’employeur peut quant à lui vouloir se séparer d’un salarié démotivé. Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire de fournir de motif à la demande.

L’employeur ne peut pas utiliser la rupture conventionnelle pour « éviter » le licenciement économique. Cela viendrait faire échec à la procédure de licenciement économique, plus protectrice des droits du salarié. Rappelons qu’en cas de licenciement économique, le salarié qui dispose de plus d’un an d’ancienneté a droit au « contrat de sécurisation professionnelle » et aux indemnités de Pôle Emploi correspondantes, plus avantageuses. « De toutes façons, ajoute Angélique Morin, si le salarié est bien informé, il refusera la rupture conventionnelle, et s’il ne l’était pas, il pourrait à posteriori, se rétracter sur son accord de rupture conventionnelle dans les 15 jours suivants sa signature».

Si la demande de rupture conventionnelle intervient dans un contexte économique difficile, ce qui n’est pas interdit, il faut bien informer le salarié, pour qu’il prenne sa décision en toute connaissance de cause. Pourquoi l’accepterait-il ? Parce qu’il peut avoir à ce moment précis, un autre projet professionnel. Les délais d’une rupture conventionnelle étant différents de ceux d’une procédure de licenciement économique, les deux parties pourraient avoir intérêt à s’entendre sur ce point.

L’employeur peut également avoir intérêt à proposer une rupture conventionnelle plutôt que de se diriger vers une procédure de licenciement pour faute si la cause réelle et sérieuse de licenciement n’est pas caractérisée de manière incontestable. Lorsque la relation de travail est devenue si compliquée que l’entente n’est plus possible, la rupture conventionnelle est préférable mais elle reste conditionnée à l’accord du salarié.

La forme de la procédure

Il doit y avoir un entretien au moins, durant lequel le salarié et l’employeur peuvent être l’un et l’autre assistés. Ensemble, ils décident de la date et de l’indemnité de rupture. Cette indemnité doit être au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. Un formulaire CERFA est rempli et signé, il sera remis à l’administration compétente après que les deux parties aient respecté un délai de 15 jours calendaires pour éventuellement se rétracter. La DIRECCTE dispose ensuite de 15 jours ouvrables pour homologuer la rupture. Dorénavant, cette procédure de demande d’homologation peut se faire de façon dématérialisée sur le site Internet de la direction du travail.

Signalons un formalisme qui a son importance : chaque partie doit avoir en sa possession un exemplaire signé pour faire valablement débuter le délai de rétractation, sous peine de nullité de la rupture.

D’autre part, c’est l’homologation de la DIRECCTE qui conditionne la rupture du contrat et le droit de bénéficier de l’indemnisation par Pôle Emploi.

Angélique Morin ajoute et insiste : « Il est conseillé de rédiger en annexe du document CERFA une convention qui précise par exemple la prise de congés durant la procédure, la levée d’une clause de non-concurrence … autant de cas particuliers à appréhender pour mener à bien la rupture du contrat de travail. »

Parlons chiffres

L’indemnité de rupture ne doit pas être inférieure à ce qu’elle serait pour un licenciement classique. Le calcul tient compte de l’ancienneté du salarié, et c’est souvent là que le bât blesse. C’est donc le contexte social et financier de l’entreprise, conjugué à l’entente des deux parties qui décideront de la négociation. Pour se séparer d’un salarié peu motivé, mais pour lequel le Conseil de prudhommes ne retiendrait pas à coup sûr le motif de licenciement, l’employeur peut alors avoir intérêt à consentir une indemnité plus substantielle pour inviter le salarié à partir.

Mais attention :

  • Les indemnités au-delà du minimum légal ou conventionnel sont sujettes à un régime social et fiscal particulier,
  • L’indemnité de rupture conventionnelle est également soumise au forfait social au taux de 20% à la charge exclusive de l’employeur,
  • Les sommes qui dépassent le minimum légal ou conventionnel sont soumises à la CSG et CRDS,
  • Et pour des sommes très élevées au-delà de certains seuils, à des cotisations sociales (patronales et salariales) et à l’impôt sur le revenu,
  • Enfin, Pôle Emploi calcule un délai de carence (appelé différé d’indemnisation) sur les indemnités de rupture qui dépassent le minimum légal ou conventionnel, qui retardera d’autant le versement des indemnités de chômage. Ce délai de carence peut aller jusqu’à 150 jours au plus.

Sécurité avant tout

Ce mode de rupture, bien encadré, permet à l’employeur de sécuriser la séparation avec un salarié, et permet aussi au salarié de s’engager dans un nouveau projet professionnel en sécurisant son départ. Ce dernier voit là l’opportunité de bénéficier d’indemnités chômage tout en préparant son projet ou en se formant…

On peut aussi et malgré tout comprendre qu’un employeur voie d’un mauvais œil cette volonté de départ, dès lors qu’il est satisfait des services de son collaborateur. A l’inverse, le salarié qui se voit refuser une telle rupture conventionnelle peut perdre en motivation et être moins efficace.

A supposer que les deux parties soient d’accord, la rupture conventionnelle est la procédure la plus rapide et sécurisée mais reste conditionnée au respect des attentes et du consentement de chaque partie.

 

La demande d’homologation est à télécharger sur le site : www.telerc.travail.gouv.fr

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